Interview

Ruth Cohen une galeriste pas comme les autres (1/2)

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A découvrir l’interview de Ruth Cohen, elle a  lancé sa galerie d’art Ruth Gallery avec le concept de faire entrer l’art dans l’entreprise.

Parlez-moi un peu de votre parcours

J’ai une maîtrise en droit privé au Luxembourg et un Master in master en Banking and Finance à New York, j’ai fait l’ensemble de ma carrière dans la finance en travaillant pour des fonds d’investissement jusqu’à ce que je décide de tout arrêter il y a 3 ans.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de lancer votre entreprise ?

Quand j’avais 20 ans, j’ai fait un stage dans une étude d’avocat qui s’était mal passé et je m’étais dit que vers l’âge de 40 ou 45 ans, je lancerais ma petite affaire, mais sans vraiment savoir dans quel domaine.

 Il y a 7 ans, lorsque le fond pour lequel je travaillais a été vendu à une société de gestion irlandaise, cette pensée m’est revenue. J’en ai été dissuadée et j’ai choisi de continuer à travailler, car je n’avais pas d’idée précise d’entreprise, mais je ne me sentais déjà plus à ma place…

Ruth Cohen une galeriste pas comme les autres (1/2)

Ruth Gallery

Comment l’idée de travailler dans l’art vous est-elle venue ?

D’une rencontre amoureuse, celle de mon époux, un homme très cultivé, passionné d’art, qui aime visiter les musées et les galeries. Des lieux où je n’avais jamais mis les pieds, car je pensais que ce n’était pas pour moi.

Pourquoi ?

Il faut comprendre une chose, c’est que j’ai grandi au Cameroun et quand vous venez d’un certain milieu social, vous ne fréquentez pas les artistes. Pour vous ce sont des marginaux, des personnes qui portent des rastas… Chez nous, c’est l’école qui vous élève, vous êtes respectée parce vous avez étudié ou vous êtes la fille de quelqu’un qui a réussi.

Donc, quand j’ai pris la décision de tout arrêter, c’était culturellement incompréhensible pour mon entourage. Mais plus je découvrais l’art et plus cette passion m’habitait à un tel point que lorsque je voyageais avec mon mari, je ne voulais plus rien faire à part visiter des galeries ou des musées. J’y voyais des choses que je regrettais de ne pas voir exposées au Luxembourg, j’avais envie de tout acheter et ma passion commençait à devenir onéreuse.

Ruth Cohen une galeriste pas comme les autres (1/2)

Ruth Gallery

Quel a été le déclic ?

C’est au retour d’un voyage à New York, après avoir vu plein de belles œuvres dans le quartier de Soho, alors que je devais commencer un nouvel emploi, très bien rémunéré avec de beaux challenges dans lequel j’étais chargée de monter ma propre équipe.

Assise dans mon nouveau bureau, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas de décoration. Ce qui m’a étonnée, car ce cabinet d’avocat était connu pour faire de très beaux vernissages au Luxembourg. Dans le hall d’entrée de l’immeuble, il y avait d’ailleurs leur galerie d’art et les salles de meeting étaient tapies de belles œuvres de grande valeur qui ne manquaient jamais d’impressionner les visiteurs, ce qui détonnait un peu avec nos bureaux.

De plus, dans cette entreprise dont le cadre était très rigide et moi qui sortais d’une entreprise américaine, c’était un changement radical. Cet environnement m’étouffait, bloquait ma créativité et je n’arrêtais de tourner en boucle la question qu’un prof nous avait posée à la fin de mon  master :

« Qu’avez-vous appris de plus important dans cette université ? » La plupart d’entre nous avaient répondu la finance, les stock-options… Sa réponse a été : « Non, on ne vous a pas appris à vous asseoir derrière un ordinateur, mais à prendre l’idée la plus bête autour de vous, à la développer pour en faire quelque chose. »

C’est une vision américaine qui vous forme à être un bon leader et pas seulement un excellent employé. Deux semaines après, j’ai tout arrêté et décidé de faire entrer l’art dans l’entreprise.

Ruth Cohen une galeriste pas comme les autres (1/2)

Ruth Gallery

Comment ont réagi vos proches ?

Pour mes collègues c’était une évidence. En revanche, mon mari ne me comprenait pas, car j’avais un beau parcours, le poste que je quittais était intéressant. De plus, j’avais des responsabilités et un très bon salaire… Et en ce qui concerne ma famille, n’en parlons même pas. Sans mentionner le fait que mon mari est indépendant et que je bousculais une certaine stabilité financière.

En fait, il n’était pas d’accord, sauf que je ne lui ai pas laissé le choix. Il a tenté de me raisonner, mais j’avais déjà négocié mon départ et comme je voulais bénéficier d’un accompagnement organisé par la chambre du commerce, je me suis inscrite au chômage.

Que s’est-il passé après avoir quitté votre emploi ? 

Malheureusement, lors de mon inscription, les choses ne se sont pas déroulées comme je le pensais, ma conseillère n’a absolument pas compris ma démarche et m’a vertement congédiée. 

Avec la conjoncture, où des galeries fermaient tous les jours au Luxembourg, moi venant du Cameroun, sans un réseau dans l’art, et par rapport à ma carrière, mon niveau de salaire et les opportunités d’emploi que je pouvais avoir dans la finance, elle ne voyait pas ce qu’elle pouvait faire pour moi, si je ne voulais pas « travailler ».

Ruth Cohen une galeriste pas comme les autres (1/2)

Ruth Gallery

Cela ne vous a pas découragée ?

Je suis sortie de ce rendez-vous un peu dépitée, mais comme je voulais absolument être accompagnée dans ma reconversion, j’ai décidé de persister et j’ai réussi à faire valoir mes droits.

Bien que je n’avais aucune connaissance dans l’art, j’ai toujours eu la conviction que tout peut s’apprendre. Mon grand-père n’est pas allé à l’école, mais cela ne l’a pas empêché de monter une usine de café et tout s’est très bien passé. Je crois qu’il est important de séparer la sagesse et l’intelligence. Je suis bamiléké, et dans notre ethnie nous avons de nombreux grands hommes d’affaires qui n’ont pas eu besoin d’un PhD pour devenir millionnaire en euros. 

J’ai également eu la chance d’avoir le soutien financier de mon mari, car je ne pense pas que mon projet aurait une chance devant une banque. Mon époux a refusé que j’aille faire un prêt et m’a obligée à construire mon projet avec le minimum de ressources. Ce qui m’a forcée à être inventive et à me sentir obligée de réussir. Cela a été un très bon challenge et je l’en remercie aujourd’hui car en ce moment avec la Covid, je suis contente de ne pas avoir de crédit à rembourser.

La suite de l’interview ici

www.valerie-lachavanne.coach

 

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